Les inversions thermiques, qu'est ce que c'est?
Ce jeudi matin, on relevait -5 à -8°C en plaine d'Alsace contre +4°C sur les crêtes vosgiennes ! Pourtant, d'habitude, c'est l'inverse, il fait plus froid en altitude qu'en plaine. Alors pourquoi des températures inversées ce matin? Christophe vous explique tout.
Air doux en altitude, air froid au sol
Dans la plupart des cas en effet, la température de l'air décroît avec l'altitude, en lien avec la pression atmosphérique et le rayonnement solaire. Lorsque l'inverse se produit, on parle d'inversions thermiques. Pour que ce phénomène se produise, il faut:
- Des conditions très anticycloniques. Il faut en effet de hautes pressions qui vont plaquer l'air frais au niveau du sol. Celui-ci se retrouve piégé dans les basses couches de l'atmosphère, en particulier la nuit et au petit matin où il subi un fort refroidissement.
- Peu ou pas de vent au niveau du sol. Lorsque le vent tombe et devient nul, le refroidissement nocturne au niveau du sol est favorisé (car la masse d'air n'est pas brassée, donc les températures diminuent plus vite).
- Un "tube" de vent plus fort en altitude, de secteur sud de préférence, amenant de l'air doux au-dessus de 1000 m (c'est surtout le cas en automne, moins lors des inversions hivernales).
- Des nuages bas ou brouillards persistants en plaine, limitant la hausse des températures diurnes alors que les crêtes sont réchauffées par le soleil.
Concept d'inversion thermique sur la région Alsace en automne. Conditions anticyloniques, une pellicule d'air frais est piégée en plaine tandis qu'elle est surplombée par une masse d'air plus douce et brassée par un vent de sud.
Ce jeudi matin, les conditions étaient réunies pour observer ce phénomène. En effet, un anticyclone s'est installé sur l'Alsace, avec 1024hPa à Strasbourg. Le vent était nul ou très faible cette nuit en plaine d'Alsace (10 km/h), alors que la dorsale anticyclonique a ramené de l'air très doux à 1500 m (6 à 8°C !). De fait, on relevait 3 à 5°C sur les crêtes vosgiennes tandis que les valeurs en plaine affichaient souvent -3 à -7°C voire -8°C très localement à l'aube. Les brouillards givrants et la couche d'air très froid près du sol furent très minces, occupant seulement les 100 ou 200 premiers mètres de l'atmosphère puisque le vignoble émergeait déjà de cette couche de brouillards givrants.
Cette inversion ne dure toutefois que quelques heures en général, en particulier en automne. En cours de journée, le réchauffement du sol par le rayonnement solaire provoque un nouveau brassage et de la convection, ce qui tend à rétablir l'équilibre initial avec des températures plus élevées en plaine qu'en montagne durant la journée. En hiver toutefois, lorsque la plaine est bouchée par des nuages bas et brouillards, et que les crêtes émergent sous un beau soleil, le rayonnement n'est parfois plus suffisant, et l'inversion peut persister toute la journée. Ce fut le cas hier mercredi 4 décembre du côté de Colmar-Meyenheim par exemple où il n'a pas dégelé sous les brouillards tenaces.
Notons enfin que ces inversions peuvent être responsables des pics de pollutions hivernaux. En effet, l'inversion agit comme un bouclier thermique qui empêche les particules de se disperser correctement. Ces dernières restent piégées dans les basses couches et s'accumulent. Des phénomènes de chutes de neige industrielles peuvent également se produire sous ces couches de grisailles et brouillards.
Inversion thermique rendue visible par le panache d'un rejet industriel. La fumée monte sur quelques dizaines de mètres puis vient "buter" contre l'inversion de température. Elle est obligée de s'étaler sous celle-ci, sans pouvoir se disperser correctement.
Lundi 25 novembre 2019
La réponse est oui. Certes, les mécanismes ne seront pas les mêmes et les périodes de retour moins fréquentes, mais l'Alsace a déjà été confrontée à des inondations de très grande ampleur. Plusieurs dates sont à retenir en particulier.
Décembre 1919, les pires inondations de ces 100 dernières années. L'ensemble de la région est touchée mais aussi la Lorraine voisine avec des crues historiques de l'ensemble des cours d'eau vosgiens. Une personne est morte à Sainte-Croix-aux-Mines, où plusieurs maisons ont été totalement détruites et emportées par la Liepvrette.
Décembre 1947, 6 morts en Alsace. La ville de Thann est particulièrement touchée où l'on dénombre ponts arrachés, habitations endommagées, usines submergées et chemins de fer emportés. Ci-contre, les rues de Thann inondées (c) L'Alsace.
Mai 1983, 4 morts en Alsace. 387 communes sont déclarées sinistrées ! La Bruche connait sa crue la plus importante depuis 1919. En de nombreux endroits, des ruptures de digues sont observées, inondant des quartiers entiers, notamment à Sélestat (Giessen), à Ernolsheim (Bruche) et surtout à Logelheim (Ill).
14-15 Février 1990, 7 morts en Alsace, terrible Saint-Valentin. Les crues les plus sévères sont enregistrées dans les vallées vosgiennes, en particulier sur la Bruche, la Liepvrette, le Giessen, la Fecht, la Thur, la Lauch et la Doller. La digue du canal de la Bruche est submergée entre Ergersheim et Kolbsheim et les lotissements fraîchement sortis de terre à Ernolsheim-sur-Bruche sont inondés. A Sélestat, les digues de protection du Giessen sont submergée, inondant plusieurs quartiers dont celui de la Filature. Le pont de la RN83/A35 est très proche d'être submergé. A Buhl, dans le Florival, la rivière sort de son lit à plus de 100 m de ses berges habituelles !
Dans le sud-est de la France, les inondations sont causées par des remontées humides de Méditerranée, sous la forme de pluies souvent orageuses. Elles sont plus fréquentes entre septembre et novembre. Ces précipitations soutenues deviennent stationnaires le long du littoral et des reliefs (Cévennes, Haute-Provence, Alpes Maritimes) et donnent des cumuls de 200 à 300 mm en 24 ou 48h seulement. De plus, la taille réduite des bassins versants (petits fleuves côtiers) induit des réactions hydrologiques très rapides.
En Alsace, les grandes inondations sont causées par des situations météorologiques très différentes. La plupart se produisent en effet en hiver, entre décembre et février. Elles sont causées par de forts redoux océaniques, qui s'accompagnent souvent de perturbations pluvieuses très actives, donnant d'importantes quantités de pluies durant plusieurs jours (parfois plus de 100 mm en montagne). Ces redoux pluvieux génèrent également une fonte rapide du manteau neigeux dans les Vosges. La combinaison pluies abondantes et fonte des neiges peut alors devenir redoutable pour générer des crues soudaines et importantes des rivières vosgiennes.
Publié le mardi 19 novembre 2019 à 21:00
Si quelques cm de neige étaient déjà tombés sur les plus hautes crêtes en début de mois, c'est véritablement ces 17 et 18 novembre qui ont lancé la saison hivernale sur le massif vosgien ! Les quantités de neige observées sur le versant lorrain, notamment autour de 700 ou 800 m, ont été assez remarquables aussi tôt dans la saison. Sur quelques secteurs, notamment autour de la Bresse-Hohneck, il est ainsi tombé 25 à 35 cm voire 40 à 50 cm très localement au-dessus de 900 ou 1000 m. 20 à 30 cm parfois dès 700 ou 800 m du côté du Thillot en haute vallée de la Moselle. En Alsace, ce sont surtout les collines du Sundgau qui ont eu droit à quelques centimètres alors qu'il fallait surtout monter au-dessus de 500 m pour observer une couche continue au sol dans les vallées.
Cet épisode météorologique, induit par une dépression venue de Bavière, s'est déroulé en deux phases. Dans un premier temps, un retour d'Est assez peu actif a concerné le versant Est du massif durant la journée du dimanche (avec des flocons sur le Sundgau). Ensuite, les précipitations neigeuses ont stagné sur la Lorraine sous la forme d'une occlusion en flux de NNO entre la nuit de dimanche à lundi et la journée de lundi à mesure que la dépression s'éloignait sur la mer du Nord.
Un manteau neigeux durable ou pas?
Ce manteau neigeux, d'une épaisseur idéale pour débuter une sous couche, sera malheureusement mis à mal d'ici ce week-end et surtout semaine prochaine. La fonte devrait se montrer assez lente dans un premier temps (d'ici vendredi) grâce à un temps plutôt calme et peu venteux malgré des températures déjà positives. Un redoux plus incisif est surtout envisagé pour le week-end et la semaine prochaine avec des températures qui pourront s'envoler (+5 à +7°C à 1500 m) et surtout, pouvant se combiner à un vent de SO plus sensible. Il n'est donc pas exclu que l'on reparte de 0 ou presque pour début décembre selon l'intensité et la durée de ce flux de SO plus océanique.
C'est un phénomène caractéristique de l'automne et de l'hiver en Alsace. En conditions plus ou moins anticycloniques, il est très fréquent que le ciel reste gris et bas, la plaine alsacienne étant couverte d'une chappe de nuages bas parfois très tenaces, ne se dissipant pas de la journée, alors que les montagnes vosgiennes baignent sous un franc soleil. Pourquoi? Christophe Mertz vous explique ce processus météorologique en détails.
Pour que des brouillards ou autres nuages bas se forment sur la plaine d'Alsace, il faut tout d'abord des conditions météo générales bien spécifiques. Ces nuages se forment en effet en conditions plus ou moins anticycloniques. Les pressions élévées (supérieures à 1010hPa) offrent en effet un environnement peu venteux tout en plaquant l'humidité au sol (mouvements d'air vers le bas). En l'absence de vent, le refroidissement nocturne sera de fait, plus important et rapide, permettant la formation de nos brouillards.
Image satellite haute résolution MODIS du 15 novembre 2018. L'émergence des massifs montagneux entourés de "mer de nuages bas" est remarquable !
Ce processus débute en général durant la nuit. Avec le refroidissement nocturne, plus rapide et marqué près du sol, l'air des basses couches de l'atmosphère (sur l'épaisseur 1 à 500 m) finit par atteindre son point de condensation et des goutelettes d'eau en suspension apparaissent, le brouillard est formé. Avec la poursuite de la baisse des températures, celui-ci aura tendance à s'étendre et à s'épaissir jusqu'en début de matinée pendant les heures les plus froides.
Formation nocturne des brouillards et nuages bas sur la plaine d'Alsace (illustration: ATMO-RISK).
En début de journée, les brouillards et grisailles atteignent leur épaisseur maximale, qui peut varier de quelques dizaines de mètres à 5OO voire 1000 m d'épaisseur. Durant le reste de la journée, le sol mais aussi le sommet de la couche nuageuse vont lentement se réchauffer sous l'action du soleil (le ciel est en effet souvent dégagé au-dessus de ces nuages bas). Avec le réchauffement, l'évaporation va conduire à un rétrécissement de la couche de brouillards par le haut mais aussi à une élévation du plafond nuageux par le bas et le sol. C'est pourquoi il est fréquent que la visibilité s'améliore entre le lever du jour et le milieu de journée. Ce phénomène est souvent observable à Strasbourg, où la flèche de la cathédrale est noyée dans les nuages tôt le matin, avant de s'en défaire quelques heures plus tard.
Evolution diurne des brouillards et nuages bas sur la plaine d'Alsace (illustration: ATMO-RISK).
Grisailles en plaine, soleil en montagne, comment l'expliquer?
Dans bien des cas, le phénomène de réchauffement et évaporation diurne sont suffisamment forts pour dissiper totalement la couche de nuages bas. Ces derniers sont alors remplacés par un temps ensoleillé pour le reste de la journée avant que le processus de recommence à la tombée de la nuit. Toutefois, à partir de la fin octobre et jusqu'à début mars, l'ensoleillement n'est parfois plus suffisant pour venir totalement à bout des nuages bas. Des plaques de brouillards vont alors subsister toute la journée, emprisonnant de l'air de plus en plus froid au sol (donc facile à condenser) et former une couche de plus en plus épaisse au fil des jours, qui deviendra d'autant plus difficile à dissiper. C'est un cercle viscieux qui peut se prolonger tant que l'anticyclone restera installé sur la région, soit plusieurs jours voire parfois plus d'une semaine !
C'est au mois de novembre qu'on observe en général le plus grand nombre de jours avec brouillards et/ou nuages bas en Alsace (mais également en octobre et décembre). En moyenne, on ne dénombre que 55 heures de soleil en novembre, contre...228 heures en juillet ! Vous savez pourquoi à présent !
Evidemment, comme nous l'avons vu, il s'agit de nuages bas, se formant donc très près du sol. Leur épaisseur souvent inférieure à 1000 m fait que les sommets vosgiens émergent très souvent de cette couche nuageuse, qu'on appelle souvent "mer de nuages". La plaine d'Alsace, comme d'autres régions (val de Saône, plateau suisse) présente également une topographie très favorable à ces phénomènes. Entre les deux massifs des Vosges et de la Forêt Noire, la plaine offre en effet une cuvette particulièrement protégée du vent et par conséquent, du brassage si néfaste aux nuages bas. L'air frais s'y accumule facilement et se forme alors une inversion thermique entre la plaine et les sommets vosgiens, qui sont souvent sujets à un vent plus sensible. L'air y est plus turbulent, doux et plus sec, soit des conditions défavorables aux brouillards. Cette inversion de température va également jouer un rôle aggravant dans la persistance de ces nuages bas, en les emprisonnant près du sol. C'est cette conjonction de facteurs qui est responsable des pics de pollutions hivernaux en plaine d'Alsace.
Rôle de l'inversion thermique dans le maintien des nuages bas près du sol (illustration: ATMO-RISK)
Pour prévoir les brouillards et nuages bas, le prévisionniste étudiera essentiellement les valeurs d'humidité relative près du sol combinées à la vitesse du vent. Si les valeurs d'humidité relative sont supérieures à 95% et que les rafales de vent sont inférieures à 25 km/h, la présence de brouillards sera probable. L'étude des profils verticaux est également importante pour définir la hauteur du plafond nuageux et l'évolution de l'inversion thermique. Toutefois, ce phénomène reste assez délicat à prévoir, non pas tant son apparition, qui est relativement bien cernée, mais plutôt dans son évolution diurne. Il reste en effet difficile d'affirmer quand et où les brouillards vont se dissiper, car ce processus est bien souvent aléatoire. Il arrive par exemple que la grisaille se maintienne sur le Bas-Rhin tandis qu'un grand soleil finit par briller sur le Haut-Rhin puis que cette distribution change le lendemain, sans qu'on sache vraiment l'anticiper. ATMO-RISK a toutefois développé quelques outils de prévision, dont des cartes de probabilités d'ensoleillement ou de brouillards.